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Les cadres juridiques qui régissent les rapports de l'auteur à
son uvre ont organisé la protection de l'uvre ou celle
de l'auteur contre ce droit historique d'appropriation de manières
fort différentes :
- le copyright constitue l'organisation du
droit de l'uvre et non celui de l'auteur. Au nom du droit de prop
riété et de libre circulation des échanges commerciaux7,
propres à la société capitaliste et libérale,
il assimile l'uvre à une marchandise - lui retirant, du coup,
sa qualité d'uvre de l'esprit -, et l'auteur à un
marchand - la propriété intellectuelle est ici infiniment
aliénable, et peut être cédée, par l'auteur,
en même temps que son monopole d'exploitation. C'est un droit exclusivement
économique, qui organise "le droit de l'uvre, en
ce sens que l'auteur, en tant que tel, en est donc radicalement exclu
"8. C'est un "dispositif
protecteur des investisseurs "9
qui disposent de toutes facilités pour protéger les objets
de leurs investissements des appropriations éventuelles (qu'elles
soient artistiques ou commerciales), et ce, au détriment de l'auteur.
- le droit d'auteur organise, lui, originellement,
le droit de l'auteur et non celui de l'uvre, et témoigne,
du moins dans son fondement, "d'une inadéquation du concept
de propriété avec l'uvre de l'esprit "10.
Contrairement au copyright où l'uvre est considérée
comme bien matériel, et qui reflète une société
dont les valeurs exclusivement commerciales ne semblent protéger
que le droit des investisseurs, le droit d'auteur attribue à l'auteur
la qualité de personne et à l'uvre celle de bien intellectuel,
en tant qu'elle est une émanation de la "personnalité"
de son auteur. Le droit moral pose l'indivisibilité de l'auteur
et de l'uvre : "Les uvres sont l'industrie intellectuelle
elle-même, et non pas les produits de cette industrie "11.
L'auteur trouve dans le droit d'auteur la protection qui lui est déniée
dans le copyright, et retrouve ses prérogatives en matière
de paternité et de protection.
- petite modification discrète du droit d'auteur
: les modifications récentes du cadre juridique du droit d'auteur,
et particulièrement l'élargissement des "droits
voisins" dans le sens de la protection juridique renforcée
des producteurs (des investisseurs), caractérisent "l'irruption
du copyright au sein même du droit d'auteur "12
par la logique capitaliste dont elle fait preuve de protection des biens
investis. Les droits voisins confèrent, par exemple, aux producteurs
"le droit d'autoriser ou d'interdire la diffusion des uvres
qu'ils ont financées ", ce qui constituait pourtant l'une
des prérogatives de l'auteur. "On ne saurait mieux dire
qu'en l'occurrence, le droit d'auteur devient le protecteur des investisseurs,
et que les créateurs sont d'autant plus dépouillés
de leurs prérogatives morales et pécuniaires "13.
Le droit d'auteur s'étiole ainsi sous le joug des flux commerciaux,
les législateurs français cédant aux pressions internationales
des développements juridiques imposés par les marchés14.
Le danger que représente la libéralisation du droit d'auteur
français mène les auteurs, sous l'influence intéressée
des sociétés de protection de leurs droits, à durcir
leurs revendications propriétaires, engageant une lutte plus acharnée
encore contre les appropriateurs, sans distinction de nature.
- le copyleft associe enfin la protection de
l'auteur à l'intérêt public, dans la lignée
traditionnelle et légitime d'appropriation par les auteurs des
auteurs eux-mêmes. Inauguré par Richard Stallman, le copyleft
propose un partage mutuel des connaissances et des inventions informatiques,
en tant que "propriété collective de l'humanité
"15. La Licence Art Libre, initiée
par Antoine Moreau et le mouvement Copyleft Attitude, est adaptée
de ce principe, et élargie au champ artistique. Elle confère
à un artiste originel la possibilité d'accorder à
autrui "un droit à la copie, à la
diffusion et à la transformation de l'uvre"16.
La Licence Art Libre revendiquée déjà par nombre
d'artistes soucieux de la dimension collective du champ artistique, fonde
son contrat sur la liberté d'appropriation d'une uvre, accordée
par son auteur "originel" à tous les contributeurs
qui voudront bien le "déplumer", comme le souhaitait
Montaigne. La pratique du processus permettra, à terme, d'élargir
le cercle des "initiés", et donc la diffusion
et l'efficacité du principe. Une question reste encore à
poser, à partir de l'éclairage donné par Barthes
dans "La mort de l'auteur", qui est celle de la légitimité
de cette origine, qui rend un artiste "originel" et une
uvre "originale". Cette question sera centrale
dans le cadre de la réflexion proposée par ce projet.
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